Entre rocs et chênes verts, un chapelet de villages
Dans le Haut-Var, l’approche d’un village perché commence souvent par un virage qui s’ouvre sur une ligne de façades mêlant ocre et pierre, agrippées à une crête comme à un fil. L’air sent la résine de pin et la terre chauffée, la lumière découpe les toits contre le ciel, et les sonorités – un volet qui grince, une fontaine qui murmure – annoncent un monde minéral façonné par la pente. Ici, on grimpe avant d’arriver, on pose la main sur la pierre avant de comprendre, et l’on s’abreuve de points de vue panachés de vignes, de forêts de chênes verts et de lointains bleutés. Découvrir les villages perchés du Haut-Var, c’est accepter l’allure lente des routes et la cadence du relief, pour se laisser guider par la logique d’un paysage où chaque implantation raconte une stratégie vitale, un art d’habiter.Le territoire s’étire entre les contreforts du Verdon et de l’Artuby, les plateaux qui descendent vers la Dracénie et les vallons d’oliviers de la Provence Verte. Ces villages ne sont pas seulement juchés pour la beauté du geste : ils se sont posés haut pour surveiller, se défendre, capter l’air plus sain, garder les terres arables en bas, capter l’eau rare en retenant chaque ruissellement. Leur silhouette, de loin, dit déjà leur histoire : un clocher pointu ou carré comme pivot, une enceinte, parfois une tour ruinée, puis un ruban de maisons étagées suivant une arête rocheuse. Et tout autour, la lisière mobile des cultures, le bocage provençal, les restanques qui dessinent des lignes fines sur les pentes.
Une architecture née de la pente
La première leçon d’un village perché du Haut-Var, c’est que la pierre commande. Elle conditionne l’épaisseur des murs, l’étroitesse des calades, la taille des ouvertures. En parcourant les ruelles, on remarque comment le bâti se cale au rocher, comment les maisons s’appuient les unes sur les autres, se couronnent de toits canal qui conduisent l’eau vers des citernes et des bassins. Entrer dans ces rues revient à lire la géologie dans l’urbanisme : la pente impose des décrochements, des marches irrégulières, des passages voûtés qui enjambent les venelles et relient deux niveaux d’une même maison. Chaque seuil a ses pierres usées, chaque façade ses volumes modestes mais tenaces, chaque linteau ses marques d’artisans.Partout, l’eau est un trésor domestiqué. Les fontaines rythment l’espace public, les lavoirs s’abritent sous des toitures basses, les canalisations de pierre relient les sources aux cœurs habités. Devant certaines maisons, de petites rampes pavées laissent imaginer les charrettes d’autrefois, l’acheminement des récoltes, du bois, des amphores d’huile. Dans la périphérie, les restanques – ces murets de pierres sèches – étagent les parcelles, fixent la terre, protègent les oliviers des ruissellements. Elles dessinent un coussin de lignes horizontales sous l’éperon bâti, rappelant que l’agriculture n’a jamais été secondaire ici, même quand le village se dresse tel un mirador.Ruelles et passages voûtés
Le charme de ces villages tient autant aux panoramas qu’aux intimités. Une ruelle s’étrécit en couloir, un passage voûté s’ouvre sur un petit puits, un escalier s’enroule pour mener vers une placette pavée où deux platanes jettent leur ombre. Ces espaces séquencent la montée, proposent des pauses, protègent du vent ou du soleil. Les voûtes, parfois en plein cintre, parfois en anse de panier, relient deux maisons et forment des raccourcis étonnants. Les portes, souvent sombres, s’ornent de heurtoirs en fer patiné, de clés qui semblent trop grandes pour la serrure. L’odeur du linge, du pain ou du moût s’y accroche à certaines heures, soulevant cette question discrète : qui habite encore ici, et comment vit-on la pente au quotidien ?Besoin d’une chambre ? Réservez en direct !
Réserver maintenantPlaces et horizons
Chaque village perché du Haut-Var possède son théâtre de plein air, une place qui n’est pas toujours grande, mais qui porte un air de centralité joyeuse. On y joue à la pétanque à l’ombre, on y installe le marché, on s’y salue sans se hâter. Souvent, cette place s’ouvre sur un belvédère, une rambarde de fer qui laisse filer le regard au-delà des toits. Là, le relief répond à l’architecture : la masse de la colline en face, la blancheur d’un sommet calcaire, la bande sombre d’une forêt, la ligne claire d’une rivière. Le soir, les villages s’embrasent d’un miel doux ; au matin, la lumière tranche, souligne les angles, révèle les joints des pierres. Ce jeu d’ombres et de lumières est un autre patrimoine, un rythme quotidien qui attendrit la rigueur de la pierre.Chroniques d’un territoire habité depuis des millénaires
Avant d’être médiévaux, ces sommets habités ont souvent été antiques, parfois préhistoriques. Des oppida ont occupé les éminences ; la romanité a tracé des voies dans les fonds de vallons et laissé des fragments de ponts, de tuiles, de noms. Puis sont venues les grandes vagues médiévales, la nécessité de surveiller, de fortifier, l’essor des bourgs castraux. Dans plusieurs villages, les remparts n’ont pas totalement disparu : une porte gothique, une tour ronde, un pan de courtine parlent encore ce langage de défense. Les chapelles romanes parsèment les abords, souvent posées sur un replat herbeux, couverts de tuiles brunes, naves étroites et absides simples, témoins d’une foi inscrite dans la sobriété de la pierre.Le temps moderne a apporté d’autres strates : de vastes portes plus tardives, des hôtels particuliers modestes, des faïences en encadrement de fenêtres, des ferronneries de balcons. Les siècles de paix relative ont modifié le cœur des villages, adouci la vocation guerrière, élargi les portes pour laisser entrée aux charrettes plus hautes, ajouté des escaliers extérieurs, des greniers à foin. Le XIXe siècle a vu la campagne se vider par à-coups, avant que le XXe renoue avec les maisons devenues résidences secondaires, puis ateliers, galeries, chambres d’hôtes. Aujourd’hui, le Haut-Var conjugue permanence et renouvellement : d’anciens métiers revivent, de nouveaux habitants s’enracinent, et les villages continuent d’osciller entre saison lente et saison vive.Ressources utiles

Silhouettes singulières, identités locales
On reconnaît un village perché à sa manière d’être au monde, et chacun du Haut-Var a sa signature. Sur les hauteurs froides et pures, Bargème dresse fièrement ses ruines seigneuriales, le vent y circule avec franchise et la vue glisse vers l’Artuby. Ce perchoir, l’un des plus élevés du département, incarne la rigueur minérale, le dialogue du ciel et des pierres blondes. Plus au nord du Verdon, Trigance serre ses maisons au pied d’un château réaménagé ; l’ensemble ressemble à un navire de pierre, ancré dans un coude de vallée où la rivière sculpte des méandres. L’enceinte médiévale a modelé des rues resserrées, un tissu qui se découvre par paliers, avec des terrasses soudain ouvertes sur l’azur.Plus au sud, Tourtour mérite son surnom de village dans le ciel . Le bâti épouse une colline ronde, les placettes en enfilade créent une promenade d’ombre et de lumière, et les perspectives s’élargissent en tous sens. Les sources et les fontaines y abondent, bruissant au pied des platanes et dans les cours. Les ateliers et galeries ont investi les rez-de-chaussée, mais la rumeur reste douce et l’élan vertical modeste, presque dansant. Non loin, Villecroze accroche ses maisons aux pentes et ouvre ses jardins vers une paroi rocheuse percée de cavités troglodytiques ; l’eau qui sourd et ruisselle y a engendré un parc frais, presque secret, qui tranche avec le roc. La fraîcheur devient ici un luxe qui remonte des pierres et des feuilles.Du côté des gorges de la Nartuby, Châteaudouble s’étire sur une arête, avec des terrasses suspendues au-dessus d’un dénivelé vertigineux. L’impression d’altitude y est immédiate, presque alpine, malgré l’odeur de garrigue. À quelques virages, Ampus s’ouvre au vent, posé à cheval entre deux vallons, déployant ses calades vers une église qui veille. Comps-sur-Artuby annonce déjà les plateaux austères conduisant à l’entrée du grand canyon du Verdon ; ce bourg resserré au-dessus de la rivière est un point de départ naturel pour explorer les rebords et sentir le souffle des grands espaces.Besoin d’une chambre ? Réservez en direct !
Réserver maintenantLe goût du Haut-Var : marchés, cuisine et vins
Découvrir les villages perchés par le goût, c’est laisser ses pas suivre les effluves. Sur certaines places, tôt le matin, l’air s’emplit des parfums de pain sortant du four, d’huile d’olive fraîchement tirée, d’herbes de garrigue qu’un vendeur froisse pour les faire respirer. Les étals proposent des légumes gorgés de soleil, des tapenades d’olives noires ou vertes, des terrines parfumées, des fromages de chèvre affinés dans les caves fraîches des maisons anciennes. Quand vient la saison, la truffe noircit les conversations et les omelettes ; on la devine à la façon dont les regards scrutent les paniers, dont les chiens regardent leurs maîtres.
Le vin, ici, porte deux visages. Les rosés, d’une fraîcheur saline, accompagnent sans effort les picholines et les salades du midi ; les rouges, plus confidentiels, invitent à des accords avec les daubes, l’agneau des plateaux, les légumes confits. Les appellations voisines se croisent, Coteaux Varois en Provence et Côtes de Provence, et l’on goûte la variété des terroirs selon que les vignes plongent vers les vallons frais ou s’installent sur des replats caillouteux. La cuisine domestique reste sobre, attentive aux produits et aux saisons : soupes de légumes rustiques l’hiver, tians et grillades l’été, confitures de figues à la fin de l’été, champignons et châtaignes quand la lumière baisse.Marcher de village en village
La meilleure manière d’entrer dans l’intimité des villages perchés du Haut-Var, c’est de les relier à pied. Les sentiers balisés descendent vers les rivières, s’enfoncent dans les pinèdes, remontent par les terrasses plantées d’oliviers, pour rejoindre une porte médiévale, un chemin de ronde devenu promenade. On marche sur des traces très anciennes, celles des bergers, des colporteurs, des paysans, et l’on comprend vite la position des villages par le corps, par l’effort. Les liens entre bourgs prennent alors une autre évidence : tel vallon sert de corridor, tel col de passage, telle barre rocheuse de frontière naturelle.De belles boucles joignent les abords des gorges du Verdon à leurs contreforts : du haut d’un éperon, on aperçoit la découpe des falaises avant que le chemin plonge vers un pont de pierre ou longe une corniche ombragée. Dans les parages des rivières plus modestes, la Nartuby, l’Artuby, les sentiers s’ouvrent sur des passerelles, des moulins ruinés, des rives où les lauriers-roses éclatent en été. Entre Tourtour, Villecroze, Salernes et Aups, une mosaïque de chemins permet de composer une itinérance de quelques jours, où l’on dort dans une auberge de village, où l’on prend le café tôt, avant que le soleil ne commence à vibrer dans les feuilles.Saisons et lumières
Les villages perchés changent de visage selon les saisons. En hiver, l’air clair et froid creuse les distances, la neige peut poudrer les sommets lointains, les placettes sonnent le vide et l’on écoute mieux le murmure des fontaines. Au printemps, les fleurs de cerisiers et d’amandiers blanchissent les bords des chemins, les herbes grasses envahissent les restanques, et l’ombre redevient une denrée. L’été, malgré la chaleur, les ruelles étroites offrent des couloirs de fraîcheur ; les fins d’après-midi réveillent les conversations, les terrasses, les parties de boules. À l’automne, la lumière ambrée pose un vernis sur les pierres, les marchés se colorent de courges et de champignons, les vendanges rythment les vallées. Selon l’heure, la même ruelle affiche une humeur différente, et le même panorama, une profondeur neuve.Besoin d’une chambre ? Réservez en direct !
Réserver maintenantArtisans, ateliers et savoir-faire
La pente n’a jamais empêché de travailler ; elle a même inspiré des métiers. Dans les villages du Haut-Var et leurs proches alentours, les ateliers dialoguent avec les pierres : tournage du bois d’olivier aux veines serrées, ferronneries fines pour les garde-corps et heurtoirs, céramiques qui prolongent la tradition régionale des tomettes et des carreaux. Le voisinage de Salernes a laissé des traces durables dans les esprits, tant les routes ont longtemps vu circuler les cargaisons de terre cuite. Dans les rues de Tourtour, de Cotignac, d’Aups, de petites galeries présentent des peintures, des aquarelles, des objets de décoration inspirés par les paysages alentour. On y croise des artisans qui ont choisi de s’installer en hauteur pour la qualité de la lumière, la proximité de la nature, le lien humain d’un village où l’on se salue par le prénom.Ces savoir-faire se retrouvent dans les détails du quotidien : un banc de pierre adouci par l’usage, une grille forgée en arabesque qui capte la lumière, une jarre de terre cuite où s’enracinent des plantes grasses. Le visiteur attentif repère les marques, les signatures discrètes, les ateliers ouverts quelques heures par jour, et comprend que l’économie des villages perchés ne se résume ni au tourisme, ni à la nostalgie, mais à une fine articulation de gestes anciens et d’initiatives contemporaines.L’eau cachée, fontaines, lavoirs et cascades
On ne se perche pas par hasard dans un pays d’eau capricieuse. Le Haut-Var tient un art délicat de la collecte et de la redistribution, que l’on lit dans ses fontaines, ses bassins, ses lavoirs couverts, ses biefs. La moindre source trouve un usage : rafraîchir une placette, abreuver un bétail, alimenter un jardin en contrebas. De discrets regards de pierre s’ouvrent sur des canaux souterrains ; des plaques gravées racontent des restaurations récentes, des collectes anciennes. L’eau, rare, se cache dans les plis du terrain et ressurgit parfois en beauté, comme à Sillans où la cascade dévoile un monde vert et bleuté, trou dans le drap minéral, promesse de fraîcheur en plein été. À Villecroze, les grottes et jardins composent une autre scène aquatique, plus secrète, plus horizontale, où les canaux sussurent dans l’ombre.
Cette économie de l’eau explique la densité de certaines plantations : les oliviers serrés sur des restanques, les jardins potagers blottis contre un mur qui restitue la chaleur la nuit et retient l’humidité le jour, les treilles qui ombrent les façades. Dans les vieux villages, les lavoirs rappellent l’époque où la sociabilité féminine se tissait autour des gestes répétés, où l’on bavardait en battant le linge, où l’on surveillait les enfants qui jouaient autour. Les fontaines, elles, font encore office de fresques sonores, si bien que l’on s’y attarde sans y penser, ne serait-ce que pour laisser l’oreille savourer un peu d’eau dans un pays qui n’en prodigue pas à l’excès.









